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Anna Khatun, 16 anni, una mano amputata. Era dentro il Rana Palace di Dacca, dove i morti sono finora 1.127

Anna Khatun, 16 anni, uscita viva per miracolo dal  disastro del Rana Palace di Dacca, dove i morti sono saliti a 1.127, la più grande catastrofe operaia della storia. Anna ha avuto una mano amputata. Libération l’ha incontrata:

ÉCONOMIE

«Comme si j’étais toujours au Rana Plaza. Morte»

24 mai 2013 à 22:26

Anna Khatun, ouvrière de 16 ans, a été extraite des décombres par les sauveteurs 36 heures après l’effondrement. Elle a dû être amputée d’une main. (Photo Andrew Biraj. Reuters)

REPORTAGE Un mois après l’effondrement de l’immeuble d’ateliers textiles qui a fait 1 127 morts au Bangladesh, «Libération» a rencontré des victimes qui racontent leur calvaire.

Par MICHEL HENRY Envoyé spécial à Savar (Bangladesh)

Un mois pile après la catastrophe, l’heure était, ce vendredi, au recueillement devant les décombres du Rana Plaza, cet immeuble qui s’est effondré le 24 avril, tuant 1 127 personnes et en blessant un millier. Des jeunes gens déposent des couronnes de fleurs, d’autres se promènent en tendant une affichette avec la photo d’un des 300 employés toujours portés manquants. Mais les klaxons de l’incessant trafic routier dans Savar, une ville de la banlieue de Dacca, la capitale bangladaise, empêchent toute minute de silence. La tranquillité, on ne la retrouve qu’à quelques minutes de là, au cœur de l’Enam Medical College and Hospital. Allongée, le bras droit amputé, Rikta Begum, 25 ans, soupire : «C’est comme si j’étais toujours au Rana Plaza. Morte.»

Mais elle est vivante et le doit à un homme, un de ces nombreux habitants improvisés secouristes qui lui a tranché le bras. «Sans anesthésie, sans médecin, sans rien», confirme la doctoresse Nasima Yasmin, qui travaille pour l’ONG bangladaise GK (1). Souvent, ça s’est passé comme ça : une victime maintenue sous les décombres veut qu’on l’en délivre et crie «coupe-moi la main, coupe-moi la main, je n’en veux plus, sauve-moi !» rapporte Mohammed Shawkat, médecin légiste. «Parfois, les blessés eux-mêmes réclamaient : “Passe-moi un couteau que je coupe ça !”» Il n’y avait pas forcément de médecin. «On s’en fout des procédures, coupez !» criaient les gens. Alors, un bénévole se saisissait d’une scie à métaux et coupait. «Ces sauveteurs sont des héros», dit le docteur Shawkat.

Amputés à la va-vite. Beaucoup sont aujourd’hui traumatisés. Venue de sa campagne pour travailler à l’usine, Rikta bossait là depuis dix-huit mois, pour 48 euros par mois. Quand tout s’est mis à trembler, elle a couru, mais un poteau lui est tombé dessus, lui coinçant un bras. On lui a coupé au niveau de l’épaule. Le moignon est aujourd’hui enflé et elle a mal. Mais elle n’est pas infectée. Une chance. D’autres amputés à la va-vite sont morts quand même. Aruti, 15 ans, est aussi chanceuse : quand elle a repris conscience, elle était sous deux femmes qui l’avaient protégée en partie. Elles sont mortes, pas elle. Au bout de deux jours, on l’a sortie des décombres. Après quarante-huit heures à l’hosto, on a dû l’amputer d’une jambe. Aruti en était à son 22e jour de travail, cousait des pantalons et des chemises pour 48 euros. A 15 ans, elle avait déjà un an d’expérience. Sa mère qui travaillait là est morte, son père a été blessé. Aruti est belle, mais elle donne envie de pleurer.

On remonte d’un étage, salle des hommes. Shafiqul Nurunnabi, 27 ans, est assis en tailleur sur son lit, torse nu. Pour lui, ça va : une plaie à la tête, un poignet cassé, une cuisse blessée. Le 23 avril, quand des fissures importantes sont apparues dans le bâtiment, les 3 500 employés ont quitté les lieux. Le lendemain, le matin du drame, une «sorte d’ingénieur» est venu vérifier. On leur a dit qu’ils pouvaient y aller, «au nom de Dieu». «Mais Dieu n’était pas en notre faveur», dit Shafiqul. Toutes les victimes racontent la même chose : on les a menacés si elles refusaient. «J’allais perdre mon salaire du mois et mes 117 heures supplémentaires, dit Shafiqul. On était obligés d’y aller.» Selon un médecin, la politique s’en mêlait aussi : «Ce jour-là, l’opposition avait appelé à la grève, et le patron du Rana Plaza est un proche du gouvernement. Il ne voulait pas ses ouvriers en grève.»

Alors, Shafiqul, «contrôleur qualité» payé 80 euros, y est allé. Mais à peine au travail, l’électricité a sauté. Quand les générateurs ont démarré, il y a eu des vibrations et «comme un coup de tonnerre venant du ciel», selon une rescapée. L’immeuble de neuf étages s’est replié d’étage à étage. Shafiqul, qui travaillait au 8e, s’est retrouvé au 3e, dans le noir, gluant de sang – pas le sien. Il a épongé avec son pantalon. Il entendait des cris et des appels, mais il était seul, craignait de manquer d’air, de se faire écraser. Il s’est souvenu du conseil de sa mère : «En cas de problème, ne bouge pas.» Au bout de deux jours, on l’a sauvé. «Dieu peut créer des miracles, j’en suis la preuve», dit-il. Pas comme son cousin déchiqueté. On l’a retrouvé décapité, reconnu seulement à son badge d’identification.

Autour, un petit groupe écoute l’histoire de Shafiqul la bouche ouverte. Avant le textile, il travaillait dans une usine chimique. Trop de pollution, des conditions sanitaires horribles, il a changé de domaine. Aujourd’hui, il ne veut plus entendre parler du textile, comme beaucoup de victimes – du moins pour le moment. Ses parents lui ont dit :«Reviens au village. S’il le faut, tu mendieras plutôt que travailler dans le textile.» Il veut élever des poulets.

En bout de chambre, Maruf Alam, 22 ans. Comme lui, ils sont nombreux à avoir accouru pour participer aux secours. Ou, selon un sauveteur, juste pour donner, comme cet écolier, les 30 cents de son repas de midi, ou comme ce mendiant, les 20 cents de sa recette quotidienne pour acheter des bananes et des mangues : «Envoyez ceci aux victimes.» Maruf venait donner son sang. Mais il n’y en avait plus besoin. Alors, il dégage les débris. Entend un appel, très faible : «Please, help !» Fouille frénétiquement, à mains nues. Au bout de quarante minutes, exténué, il se pose. C’est là qu’un bout de toit et un pilier lui tombent dessus. Une ferraille reste plantée pendant vingt minutes dans son tendon sectionné. Mais il est vivant.

Marécage. Et maintenant ? Les victimes réclament des sanctions. «Le Rana Plaza, c’est la preuve qu’au Bangladesh, il n’y a pas que des catastrophes naturelles, certaines sont créées par l’homme», soupire la doctoresse Nasima. Le permis de construire donnait droit à six étages, mais le propriétaire en a rajouté trois, pratique répandue. Ce devait être un immeuble de commerces et de bureaux, pas fait pour supporter les machines et générateurs de cinq ateliers de confection. Selon l’enquête, le bâtiment était construit en partie sur un marécage comblé avec des déchets. Les murs ? Du ciment de mauvaise qualité mélangé à du sable. Les poutrelles de béton armé ? Médiocres. Le propriétaire, Sohel Rana, membre du parti au pouvoir (la Ligue Awami), en prison, «a fait fortune avec de l’argent gagné au noir et n’a pas respecté les réglementations», a dit le chef de la commission d’enquête, le décrivant comme «le sous-produit de nos hommes politiques corrompus». Douze personnes ont été arrêtées. La commission réclame que les responsables soient poursuivis pour homicide volontaire et condamnés à perpétuité.

La tragédie va-t-elle pousser à des changements sur la sécurité au travail, comme le laisse entendre l’accord paraphé jeudi avec des multinationales (lire page 5) ? Beaucoup l’espèrent, peu y croient. Manzur Kadir, coordinateur de GK, prévient :«Le Rana Plaza, ce devrait être un point de non-retour. Mais on peut faire des promesses vite et les oublier aussi vite. Le passé nous l’a prouvé, au bout de six mois, tout le monde oublie.» Surtout, le pays passe par tant de catastrophes… «Dans quelques mois, il y aura peut-être des problèmes beaucoup plus graves, dit Kadir. Et on oubliera le Rana Plaza.» A l’hôpital, Rikta ne l’oublie pas. Dans deux jours, elle sort et s’inquiète :«Quel travail je vais trouver avec un seul bras ?» Elle rêve d’un membre artificiel. Mais avec quel argent ? «Pour ça, il faut que vous nous aidiez», dit la doctoresse, nous regardant droit dans les yeux.

(1) GK (Gonoshasthaya Kendra) a une antenne en France : www.comgksavar.org

Photo Taslima Akhter

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